Quand une vague vous balaye du pont et vous jette à la mer…
Je sais qu’elle est là. Je l’attends. La vague arrive. Fluide en mouvement émouvant la surface, elle enfle invisible et gonfle, engrosse et gronde et fructifie et s’accroît jusqu’à éclater et percuter mes activités, jusqu’à la rupture, jusqu’à moi.
J’ai énormément de chance, j’ai créé ma vague : quitter mon travail pour écrire. J’ai énormément de chance, je sais quand elle va cogner les rocs et se dresser devant moi : fin juillet. Dans trois mois. Mais je vais devoir la surfer et la vague que je me suis choisie est un tsunami.
Ai-je fait le bon choix ? Deux ans c’est très court pour vivre de ses romans. Je suis traversé de doutes et je sais ne pas être seul dans ce cas…
Vous le savez, les statistiques ne sont pas bonnes. Le chiffre moyen des ventes tout genre confondu est de 5 000 exemplaires. Une moyenne faite entre ceux qui en vendent 500 000, les stars, et ceux qui en vendent 500, le chiffre moyen de vente en maisons d’édition.
Sur une édition brochée, si mon contrat est correct dans une maison d’édition à compte d’éditeur, je toucherai 10 % de droits d’auteur. Si mon roman est vendu vingt euros, je toucherai donc deux euros. En supposant que j’atteigne le nombre moyen de 500 ventes, je gagnerai 1 000 euros. Si j’atteins la moyenne nationale de 5 000 exemplaires vendus, je gagnerai 10000 euros. Pas assez pour vivre…
Raisonnons à l’envers : si je veux générer un revenu de 2000 euros par mois, il faut que j’en vende 1000… par mois ! 12 000 par an. Un vrai défi. Est-ce atteignable en maison d’édition traditionnelle ? Je ne crois pas.
Alors, pourquoi est-ce que je m’obstine à soumettre mes romans dans des maisons d’éditions qui mettent SIX MOIS à me répondre NON ? Il ne s’agit pas de reconnaissance, je suis écrivain (j’ai au moins réglé ce foutu syndrome de l’imposteur) Quoi alors ? Une solution de facilité, peut-être, pour me décharger de la promo/marketing/distribution ? Et encore… La promotion reposera encore en grande partie sur mes épaules.
Non, l’autoédition semble être la voie, je ne peux me permettre de patienter six mois vu ma fenêtre d’action de deux ans. L’autoédition est aussi plus rémunératrice. Mais… tous ceux qui affirment que mon défi de vivre de ma plume à touches carrées munie d’un écran est possible, tous ceux qui vivent de leurs écrits… font des formations : Lucie Castel, Cécile Duquenne, Blandine P. Martin, Anaïs Weibel, Margot Dessenne et même Jupiter Phaeton dont les chiffres de vente semblent prouver qu’elle n’en a pas besoin. J’évolue dans un microcosme d’auteurs professionnels qui développent des activités secondaires et ajoutent des cordes à leur arc d’écrivain sur le point de rompre. De toute évidence, il y a un biais : je ne vois qu’eux car ce sont les seuls à communiquer et qu’il n’existe pas de statistiques sur l’autoédition. N’empêche ! Ce n’est pas toujours rassurant.
L’interview de David Bry par Dimitri Pawlosky, l’éditeur des éditions de l’Homme Sans Nom, ne m’a pas rassuré. Il s’agit de l’épisode du 10 mars 2022 du podcast Devenir écrivain. David Bry jouit d’une petite renommée, participe à des salons et des festivals, à un éditeur et a publié plus de 15 romans pour adulte et pour la jeunesse. Il concilie vie de famille, travail alimentaire et vie d’écrivain. Et il commence seulement à envisager de quitter son boulot pour vivre de ses romans.
Alors je m’accroche à mon surf, je résiste sur ma vague et j’écoute la voix des maîtres, celles qui réconfortent.
Écoutez-les aussi, cela fait du bien. Relisez-les, relisez-les encore.
Puisque ces citations m’aident et rechargent mes batteries, je vous les partage. Elles peuvent anéantir vos petits coups de blues.
Vous devez être là, à votre bureau, et aussi longtemps que vous écrirez chaque jour, aussi longtemps que vous le ferez chaque jour, et aussi longtemps que vous lirez tout ce qui vous tombe sous la main, vous deviendrez meilleurs. Ne confondez pas écrire et être publié. Ce sont deux activités très différentes. Laissez le monde prendre en charge le côté éditorial, ce n’est pas votre travail. S’il y a une seule chose à vous dire, ce serait vraiment de vous dire à quel point c’est possible. Je ne suis pas un écrivain talentueux, il y a beaucoup de raconteurs d’histoire bien plus doués que moi. Et j’ai réussi et je m’en émerveille chaque jour. Vous aussi, vous pouvez réussir. Sans aucun doute. David Sedaris, écrivain, animateur radio.
Après cet échec, j’ai continué à écrire car je ne pouvais pas ne pas écrire. Il s’agissait d’une part tellement importante de ma vie. Et c’est pourquoi je pense que les gens qui sont réellement destinés à devenir écrivain vont devenir écrivain, car ils ne peuvent pas cesser d’écrire, à cause de cette force intérieure qui les pousse en avant vers l’écriture. Si un refus éditorial vous met KO et vous fait arrêter l’écriture, alors c’est que vous n’êtes pas faits pour devenir écrivain. Si je n’avais pas continué à écrire, coûte que coûte, malgré les échecs et les refus, je ne serais que l’ombre de ce que je suis devenu, une version étriquée de mon moi véritable. La persévérance est la clé et faites-moi confiance, vous n’êtes pas seuls dans cette situation. Même à moi, on me refuse encore des manuscrits. Le rejet fait partie de la vie : ne le laissez jamais entraver vos rêves. David Baldacci, écrivain.
Une fois que vous avez votre roman, que vous en êtes fier, que vous pouvez le montrer, alors préparez-vous à subir toute sorte de rejet : on vous conseillera d’écrire comme ceci ou comme cela, on ne vous publiera pas et vous continuerez de l’envoyer. Mais croyez-moi, cela peut prendre longtemps, mais presque tout le monde est publié. Et en attendant, suivez votre cœur, car en écrivant, vous vivez les meilleurs moments de votre vie. Et j’espère que vous développerez une communauté de personnes qui comprendront ce qu’est qu’écrire, combien c’est difficile, à quel point cela vous prend à la gorge et vous emplit d’émotions, que vous expliquerez qui vous êtes et ce que vous faites à cette communauté de gens créatifs qui adorent écrire autant que vous, ou peindre autant que vous, ou lire, et si vous développez une telle communauté tout en écrivant chaque jour, alors… vous aurez gagné. Walter Mosley, écrivain.
Après la dure réalité des chiffres et les faits, après les doutes et les craintes, après avoir écouté les voix de ceux qui redynamisent et réconfortent et vous remettent dans le flot, j’ai encore quelque chose à vous dire, quelque chose de plus personnel. Parce que la voix des maîtres n’est pas suffisante pour s’aventurer à surfer le tsunami. Non ? Si ? J’ai eu besoin de plus ! Parce qu’enfin, je ressens encore un petit décalage entre David Baldacci et moi
Je vous transmets une liste de questions qui m’ont aidé à avancer et qui peuvent vous aider aussi :
- Quelle est votre attitude lorsque vous sortez de votre zone de confort ? La fuite, la protection, l’observation, l’attaque frontale du sujet ? Car embrasser un tel changement de vie, c’est assurément sortir du confort !
- Êtes-vous plutôt jardiniers ou architecte, et je ne parle pas de la façon d’avancer dans l’écriture de son roman. Êtes-vous plutôt jardiniers ou architecte dans la vie ? Cigale ou fourmi ? À vivre au jour le jour ou à tout planifier ? Car pour écrire et publier, je crois qu’il faut de la constance et de la rigueur, et un petit côté architecte ne fait pas de mal.
- Quel sens (la signification) et quel sens (la direction) voulez-vous donner à votre vie ? Car connaître le chemin et voir la montagne se dresser au loin (ou la bibliothèque), cela aide.
- Quel plaisir prenez-vous à écrire ? Et pourquoi (pas forcement simple, ce pourquoi)
Pour moi, voici les réponses : je suis un architecte observateur qui passe à l’attaque pour le plaisir d’écrire et espère apporter un peu de détente et d’humour aux lecteurs en ce monde de brute !
Devenir écrivain et en vivre…
J’ai aussi envie d’essayer. Devenir écrivain, pourquoi ? Renversons la question : pourquoi pas ?
C’est aussi la conviction intime d’en sortir grandi. Et la croyance en cette phrase :
Nous sommes les choix que nous faisons.
Enfin, un certain goût du risque raisonné :
Le goût du risque est inné et raisonné par la suite. C’est un besoin chez certains hommes. C’est le désir de se perfectionner, de s’élever, d’atteindre l’idéal. Il implique le goût de la responsabilité. Maîtrise de soi et domination de la peur. Valeurs : école de volonté, persévérance, réflexion, discipline, confiance. Le charme du goût du risque, c’est l’incertitude du succès.
Conséquence : il permet le progrès.
Louis Lachenal, dans Les Carnets du Vertige.
École de volonté, persévérance, réflexion, discipline, confiance. Pour moi tout est dit, l’essentiel est là. Et j’espère bien faire plus que progresser, mais réussir. Continuer à écrire mes 1000 mots par jour. Me former. Bloguer. Vous écrire. Poster sur Instagram. Sur Facebook. Coller au processus, comme le dit Dan Brown.